Que j’erre dans le vacarme des rues,
Que j’entre au temple où se presse la foule,
Que je me trouve avec de jeunes fous,
Je m’abandonne en tous lieux à mes rêves.
Je dis : voici que passent les années,
Voici que nous, tous autant que nous sommes,
Nous descendrons sous la voûte éternelle
Et pour quelqu’un ici l’instant est proche.
Si je regarde un chêne solitaire,
Déjà je pense : aïeul de la forêt,
Tu survivras quand je ne serai plus,
Comme tu as survécu à mes pères.
Si dans mes bras je tiens un nouveau-né,
Déjà ma voix lui dit : adieu, adieu.
Puisqu’il le faut je te cède la place ;
Je dois pourrir quand tu t’épanouis.
Et chaque jour, chaque heure qui s’écoule,
J’aime l’accompagner d’une pensée.
Je cherche à deviner dans chaque instant
De ma future mort l’anniversaire.
Où le destin m’enverra-t-il la mort ?
Est-ce au combat, sur la mer, en voyage ?
Ou c’est peut-être un vallon près d’ici
Qui recevra ma cendre à jamais froide.
Qu’importe au corps privé de sentiment
En quel endroit il lui faudra pourrir ?
Et cependant j’aimerais reposer
Près du pays qui est cher à mon cœur.
Et je voudrais qu’à l’entrée de ma tombe
La jeune vie ne cesse de jouer,
Que la nature, à tous indifférente,
Brille à jamais de toute sa splendeur.